Portrait


Didier Grare peintre

Diplômé de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Toulouse

DNSEP (Diplôme national supérieur d’expression plastique)

Inscrit à « La Maison Des Artistes
60 rue du faubourg Poissonnière
75484 Paris Cedex 10

Membre de « La Fondation Taylor »
1 rue La Bruyère
75009 Paris

 

 

 

Didier Grare, le messager du réel

Célébrer, c’est cela !
Tout se fait vigne et tout devient raisin !
Rilke

La terre est une planète à part. Avec ses empâtements de nuages, ses coulures d’Océan, ses ocres de toutes nuances, c’est d’abord un endroit sauvagement coloré. Il y a dans sa facture quelque chose d’à la fois furieux et calculé, une indiscutable harmonie qui incite au rêve. Un historien de l’art pourrait en attribuer la création à un peintre gestuel ou expressionniste, un descendant de Turner ou un compagnon de Soutine.

Prenons une carte. Pour les géographes, Nabinaud se trouve à deux pas d’Aubeterre, en Charente. Mais nous ne sommes pas géographe et nous savons que Nabinaud est un territoire de l’ailleurs. C’est là que vit Didier Grare. Un hameau moitié en ruines, une église, un cimetière. Rien de plus humble en apparence. Mais après des années d’occupation, l’ancienne bâtisse devenue atelier a été transformée, sinon transmutée par la présence de l’artiste.

Le jardin, tout d’abord. Des buis taillés, des herbes aromatiques, une treille dégoulinant de roses, et même des bananiers qui nous rappellent ces vers du poète chinois Li Quing-zhao :

« Devant la fenêtre est un bananier
Étageant toutes ses ombres
Au centre de la cour sombre.
Chaque feuille qui penche et se déploie
est un cœur qui bat, qui s’épanche. »

Á l’avant, une terrasse d’herbe (qui n’est surtout pas du gazon) et une table sur laquelle a été posé un vase de fleurs fraîchement cueillies en signe de bienvenue. N’oublions pas la mare. On s’y rend comme en pèlerinage. Á chaque fois différente, c’est un monde qui concilie visible et invisible. Le ciel s’y reflète comme dans le creux d’une main. L’ondulation des algues rappelle la chevelure constellée d’Ophélie. L’œil d’or des grenouilles y contemple le mystère. Mariage insaisissable de l’air, de l’eau et du végétal, l’endroit est à l’image de l’homme : un microcosme, une totalité. Un point d’égarement semé de calligraphie végétale qui offre au peintre un sujet de prédilection.

La maison, maintenant. Une ancienne ferme de plain-pied. A droite, une grange ; à gauche, l’entrée de l’habitation. Deux pièces. La première a des allures d’intérieur hollandais du XVIIIè siècle agrémenté de touches provençales, d’éclats vifs à la Matisse. Un bleu, un rouge, du blanc amènent la Méditerranée en Périgord. Le rectangle de la fenêtre qui donne sur le jardin est un tableau en soi. Sur une étagère, tout un matériel de laborantin : pots de couleurs, diluants, vernis, pinceaux… Le salon est à la fois cuisine et atelier. Au milieu, un chevalet. En hiver, la cheminée ronronne ; sur la table, des verres, une carafe, un sucrier, rappellent les natures mortes sur lesquelles Didier a fait ses armes et qui décorent maintenant les murs. Et tout ça dans un écrin : le silence. Un luxe d’une voluptueuse modestie. Au fond, une porte ouvre sur la chambre, avec ses murs blancs couverts de toiles et de dessins. Rien n’est plus gai, car Didier Grare peint avec la matière ineffable du printemps et la complicité de la lumière, ce rapin de l’aube. Un pinceau, des couleurs, une toile et un miracle. Voilà pour la méthode.

Les œuvres de Didier Grare nous invitent à renouer avec les germinations du réel, à retrouver la grâce d’un instant de fusion avec le monde qui nous entoure. L’affaire n’est pas simple. Le premier travail consiste à se rendre disponible, à se laisser pénétrer par le merveilleux immédiat, à rêver la matière. Pas de progression sans perfectionnement intérieur. Vacuité, c’est la règle. La marche peut aider. Comme le peintre chinois, Didier fait de ses promenades une quête et une chasse sereine. Peut-être cette attitude lui vient-elle de ses séjours en Asie ? Un paysage dessiné par les herbes, un chemin qui se dresse dans le sous-bois, un reflet sur la rivière ont leur musique. On ne saisit que ce que l’on comprend, autrement dit ce qui sommeillait en nous et qu’une lueur sur le bord du chemin vient soudain révéler. De vision à visionnaire, il y a peu. Mais cet écart fait tout. Rentré à l’atelier, l’artiste laisse aller le pinceau. Il n’improvise pas : il joue sa partition en harmonie avec les délicates illuminations du paysage. C’est un interprète, un messager du secret.

Je ne connais personne qui sache mieux recevoir que Didier. Lorsque l’argent manque, une pomme de terre devient un mets des plus raffinés. D’ailleurs, pour qui sait regarder, l’objet le plus humble est un joyau. La volute d’une plante, un bois flotté, une œuvre de Barceló ou Rebeyrolle, le dessin d’un fou ou d’un enfant, c’est tout un : une résonance offerte à notre lumière intérieure. Les œuvres de Didier Grare représentent un art de vivre, une invitation au bonheur immédiat. Elles nous disent avec subtilité que peindre, c’est habiter la terre. Tout un programme !
Serge Sanchez

Serge Sanchez est journaliste et écrivain. Après la biographie de François Augiéras, il a publié Brassaï, le Promeneur de nuit aux éditions Grasset.